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A.Panarine. Nouvelle élite, nouveau Code de Valeurs. 8/8.

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Le texte ci dessous est la traduction de la dernière portion de l’étude portant le titre «Un peuple sans élites: entre désolation et espoir», parue en 2001, dans le n°11 du magazine russe «Notre Contemporain».
Cette étude, surprenante par l’actualité qu’elle conserve, a été rédigée par Alexandre Panarine, qui fut docteur en sciences philosophiques, professeur occupant la chaire de politologie à la Faculté de Philosophie de l’Université d’État Lomonossov de Moscou, directeur du centre d’Études socio-philosophiques de l’Institut de philosophie de l’Académie des Sciences de Russie. De dissident libéral à l’époque de l’URSS, publiciste, Alexandre Panarine est devenu philosophe-patriote russe critique du libéralisme au tournant du millénaire. Décédé le 25 09 2003, il a publié plus de 250 études scientifiques, dont 18 importantes monographies et plusieurs livres. Dans les sept premières parties du texte, Alexandre Panarine nous a guidés à travers l’histoire des élites de l’époque moderne depuis leur naissance jusqu’au seuil du troisième millénaire. Dans celle-ci,  l’auteur esquisse les fondements sur lesquels les nouvelles élites seront susceptibles de supplanter celles que l’effondrement du postmodernisme entraînera avec lui dans sa chute.

A.S. panarin
Il est dès lors indispensable qu’apparaisse une nouvelle élite prophétique, qui ne se préoccupera en rien de rivaliser avec l’élite actuelle, ni d’essayer d’occuper la place de celle-ci. La mission de cette élite sera la confection d’un nouveau code des valeurs de l’époque, une alternative au code du progrès marqué par des traits racistes. Nous ignorons encore où cette nouvelle élite venue au peuple mènera sa lutte, quelles institutions elle pourra utiliser parmi celles qui existent aujourd’hui, lesquelles il s’agira de laisser sur le côté. Mais les missions qui l’attendent se dessinent déjà clairement.
La première sera la réhabilitation de tous les petits, les mal-adaptés du quatrième monde.  Ils se verront l’objet de critères non pas «paternels», car les pères préfèrent les enfants qui font preuve de réussite, mais de critères «maternels», caractérisés par une  préférence envers ceux qui sont fragiles, blessés. Comment savoir,… ces blessés, ces impressionnables ne seront-ils pas précisément ceux qui permettront de corriger le projet faustien de conquête de la nature et de l’histoire en recourant à des priorités posttechniques et postéconomiques respectueuses du monde extérieur de la nature et du monde intérieur de l’âme humaine?
La seconde concernera un nouveau type de motivation. L’énergie humaine manifeste aujourd’hui  des signes clairs d’une accélération de son épuisement. Cela se produit d’une part à travers la tendance à s’en remettre à des techniques de décision pour résoudre tous nos problèmes vitaux, et d’autre part à travers le renoncement du principe des réalités en faveur du principe de la satisfaction, de l’hédonisme du loisir et de l’immersion dans le fantasme infantile. La nouvelle tribu des «sans-hontes» monopolise la sphère de la réalité ; pour l’une ou l’autre raison, c’est à eux qu’il revient de préserver la vigueur et l’énergie du modernisme. Serait-ce parce que les pratiques du modernisme sont tellement souvent ténébreuses ?
Une rédaction qualitativement neuve des objectifs reconnus par la société est nécessaire pour mobiliser l’énergie des meilleurs plutôt que celle des mauvais. La dynamique de l’affirmation de soi désocialise les gens ; les nouveaux Robinson du postmodernisme sont incapables non seulement d’une véritable coopération dans le cadre d’une société civile construite autour des collaborations, mais aussi d’un comportement civilisé élémentaire et conforme à la loi. Une dynamique alternative fondée sur l’altruisme, la compassion et la sympathie, voilà la source du futur qu’il appartient à la nouvelle élite prophétique d’aller ouvrir dans le tréfonds des grandes traditions religieuses.
Voici trente ou quarante ans, tous les espoirs d’avenir reposaient sur les élites scientifiques et techniques. La justification métaphysique supérieure de leurs activités consistait en ce que l’artificiel  était meilleur que le naturel. Ainsi, le monde fabriqué de l’environnement technologique passait pour être la terre promise du futur. Ensuite, ce fut le tour de l’élite économique. La justification suprême de son rôle fut la rationalité sans précédent du marché : libérez donc les mécanismes du marché de toute interférence bureaucratique et tout se mettra en place de la meilleure des façons. L’élite économique se mit à calomnier les classes inférieures de la société, ne voyant en elles que la source du principal mal économique : l’inflation destructrice. Car ce serait leur pression sur l’État en tant que signe d’un paternalisme social omniprésent, qui dévaluerait les efforts économiques des meilleurs, des mieux-adaptés, et qui générerait le souhait de consommer dans le chef des moins-adaptés, incapables de gagner leur vie. Ce fut la conclusion principale du manifeste capitaliste de «l’École de Chicago».
Mais aujourd’hui, selon toute évidence, c’est autre chose qui se déroule : l’inflation galopante pousse le milieu des entreprises à se réorienter, des profits de la production vers les avantages de la spéculation. L’économie réelle, de la production, pèse à la nouvelle avant-garde économique tel un boulet archaïque, car elle préfère les jeux de hasard de l’économie virtuelle. De nos jours, le capital fictif et spéculatif dépasse de cent fois le capital lié aux investissements réels. Il est impossible de nier qu’aujourd’hui, c’est lui qui constitue la source principale de l’inflation  destructrice et le principal milieu nourricier de toutes les pratiques ténébreuses.
Pourquoi les adeptes de l’école de Chicago se refusent à admettre cela, c’est une question qui se réfère à la morale particulière de «l’homme économique» et à l’élite intellectuelle qui est à son service.
Mais la véritable élite, non pas celle qui est reconnaissable par ses pratiques expropriatrices,  mais bien celle qui voit sa vocation dans la protection de l’homme par rapport à de telles pratiques, doit ouvrir les yeux de ses contemporains. Si «élites» signifie «les meilleurs», alors ses représentants ne peuvent apparaître dans l’épicentre militant de l’économicocentrisme  et du social-darwinisme de marché, mais plutôt dans le quatrième monde. Dans la mesure où ce monde est dépourvu de tout espoir de revanche économique, il ne lui reste rien d’autre à faire que de procéder à un examen de toutes les priorités du modernisme qui privent de toute chance la majorité des laissés-pour-compte.
Ces priorités ne sortent pas de nulle part ; leur arrière-plan est constitué des grands écrits des traditions religieuses du monde. Dès l’origine, les modernistes ont déformé la hiérarchie des rôles humains, plaçant le marchand devant le brahmane et le kshatriya. C’est précisément cette transmission des fonctions normatives à l’ «homme économique», représenté par les marchands, faisant de ceux-ci l’élite qui détermine les priorités de l’humanité, qui a conduit à l’obscurcissement de la conscience civilisée contemporaine et à une dégradation spirituelle et morale inouïe. La véritable élite concentrera les fonctions du brahmane en tant porteur de morale et de sagesse avec la fonction protectrice du kshatriya, inspiré non par l’argent, mais par la vaillance.
Le quatrième monde, abandonné par ses «gardiens», «sages» vendus et cupides, a besoin d’une nouvelle élite, une élite qui ne le vendra pas. Car à côté des motivations économiques, il y en eut et il continuera à y en avoir d’autres, plus élevées, susceptibles de conférer l’inspiration et l’enthousiasme qui sont par principe inaccessibles à l’homme économique. On prétend aujourd’hui nous convaincre de ce que toutes les traditions spirituelles du monde, représentées par les grandes religions et les grandes littératures qu’elles inspirèrent, se seraient trompées en matière de priorités, et que seule la nouvelle doctrine de Chicago ne se trompe pas.  Mais faire changer d’avis ceux qui n’ont pas tranché leurs liens avec les grandes traditions, c’est chose  impossible. Ils savent qu’essentiellement, l’homme n’est pas un être économique mais religieux, et c’est pour cette seule raison qu’il lui est donné de s’élever au–dessus du niveau animal. La véritable élite est gardienne et protectrice des principes spirituels. Il lui est ainsi donné d’ouvrir à l’humanité les perspectives qui restent fermées dans d’autres dimensions.
La Russie est devenue l’épicentre du travail de destruction des mondialistes. Elle ne pourra survivre si elle ne s’ouvre pas à ces nouvelles perspectives. La nouvelle internationale du quatrième monde, qu’elle dirigera demain selon toute vraisemblance, incarnera le mondialisme alternatif des couches défavorisées et démocratiques. En sa qualité de deuxième monde, équivalent  au premier en termes de force et de succès, la Russie a subi une défaite et elle a péri. Elle peut ressusciter, mais uniquement en tant que quatrième monde, rejetant les critères mensongers et les prérogatives du premier. Donner à ce monde une véritable inspiration, voilà la tâche des élites post-économiques, s’adressant aux peuples par dessus la tête de l’establishment libéral mondialiste.
Source.


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